Bachelor
Y'a cinq, six, sept ans, j'étais un branleur. Aujourd'hui, je le suis toujours. D'une manière plus subtile mais pas forcément plus respectable. Bref, à l'époque (j'ai pas peur d'utiliser cette formule car j'parle d'un temps qui n'existera plus jamais), j'étais ce qu'on appelle un peu perché. Un exemple? Je n'ai aucune anecdote à raconter à propos de mes années fac. Certes, j'ai profité de cette période pour rouler des pelles à deux ou trois meufs dans des couloirs comme j'aurais pu le faire au collège si j'avais compris que le 501 était une arme et le survêtement à pressions Champion USA un piège à rien du tout. Certes, j'ai triché à TOUS les partiels et ma soeur qui était par ailleurs ma prof dans une "matière", était une lâche complice de cet acte immoral. Son sens de la famille l'a poussée des tas de fois à m'envoyer des sms où grouillaient des paragraphes entiers de bonnes idées. Certes, j'ai passé des après-midis collés aux basques (il s'agissait d'Adidas Gazelle en l'occurrence) de mon frère, qui m'a indiqué les meilleures adresses de sandwiches thon-mayonnaise. Il m'a aussi précisé que "laformuleavec1boisson+1sandwich+1dessertvautpluslecoup". On sait très bien tous les deux que le coup d'envoi de notre déchéance physique a commencé le jour où il a mis ça dans mon crâne et dans sa bouche. Mais après le certes, il y a toujours un mais.
D'autant que la vérité, c'est qu'on m'a menti sur toute la ligne concernant une université qui n'a de classe que le nom. Comme des millions de couillons de Français, j'ai été puni par la force des teen movies. J'avais mon bac et les mains dans les poches, je m'amusais avec des potes, de l'alcool ou du sport - parfois les trois en même temps - et mangeais les bons plats de ma mère sans m'en lasser. La belle vie avant la très belle vie, voilà c'que j'me disais.
Merde, je voulais avoir la cote avec les cheerleaders, boire des bières chez le quarterback de l'équipe de football et victimiser les membres du club d'échecs. Au lieu de ça, j'ai eu la Rover 111 prêtée par mes parents, la poudre aux yeux sociale et la débauche pas très glorieuse. Ma gueule avait beau être en totale inadéquation avec l'endroit où je me trouvais, j'y suis resté, car ce qui devait se passer allait bientôt se passer. J'attends encore. Et si je me balade quelques années plus tard sans chapeau, bonnet ou casquette, ce n'est pas par goût ou amour de ma chevelure lambda. J'attends simplement qu'on me donne ce pour quoi j'étais venu : la square academic cap. Et si LUI a eu le droit d'en avoir, je ne peux pas croire que je n'en mérite pas une.